Familles et soins longue durée : entre soutien, écoute et information

30/10/2025

Comprendre l’unité de soins longue durée et ses enjeux pour la famille

L’unité de soins de longue durée (USLD) est une structure médicale accueillant des personnes âgées souvent très dépendantes, touchées par des pathologies chroniques ou en situation de grande perte d’autonomie. Selon la Direction Générale de l’Offre de Soins, plus de la moitié des résidents en USLD sont très dépendants (GIR 1 ou 2). Contrairement à une maison de retraite classique, l’USLD relève du secteur hospitalier et répond à des besoins médicaux complexes, continus, et intenses (Ministère de la Santé).

Les familles, lorsqu’un proche est admis en USLD, traversent souvent une phase d’incertitude, de culpabilité et de deuil de la vie d’avant. L’accompagnement proposé n’est donc pas seulement destiné au patient. Il s’adresse aussi à ceux qui restent, qui visitent, qui s’inquiètent, qui prennent des décisions clés.

Premiers pas en unité de soins longue durée : accueil et accompagnement initial

L’arrivée en USLD est rarement un choix anticipé. Elle survient en général à la suite d’hospitalisations répétées, de l’aggravation brutale d’une pathologie ou de l’impossibilité de poursuivre le maintien au domicile. Ce contexte rend l’accueil fondamental pour les familles, qui sont souvent décontenancées.

  • Entretien individuel avec une infirmière coordinatrice : cet échange permet de recueillir l’histoire du patient, ses habitudes, ses valeurs, mais aussi les attentes et les inquiétudes de la famille. Les équipes soignantes veillent à instaurer un climat de confiance dès les premiers jours.
  • Documents d’information et livret d’accueil : pour comprendre la vie quotidienne, les horaires de visite, les règles de sécurité et les coordonnées des équipes référentes.
  • Mise en relation avec le référent familial : certains établissements proposent un interlocuteur dédié pour chaque famille.

Selon une enquête de la Fondation Médéric Alzheimer, 89 % des familles jugent l’accueil déterminant pour la suite du parcours.

Le rôle de l’équipe pluridisciplinaire : alliée des familles

L’accompagnement en USLD ne se limite pas au suivi médical strict. Les familles trouvent face à elles une équipe pluriprofessionnelle : médecins gériatres, infirmiers, aides-soignants, psychologues, ergothérapeutes, assistantes sociales. Cette organisation vise à soutenir globalement le patient et ses proches.

  • Psychologue : propose des temps d’écoute individuels ou en groupe, centrés sur les émotions vécues : sentiment d’impuissance, fatigue morale, conflits familiaux parfois réactivés lors de l’admission. Selon l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, dans plus de 70 % des USLD, un psychologue intervient auprès des familles.
  • Assistante sociale : soutient les démarches administratives (demandes d’Allocation personnalisée d’autonomie, protection juridique du majeur vulnérable, aides financières). La complexité des formalités est souvent source d’anxiété : être épaulé est un vrai soulagement.
  • Infirmier référent : est le trait d’union essentiel pour tout ce qui touche au quotidien, à la communication sur l’état de santé, les nouveaux symptômes ou les décisions médicales à prendre.

Cette collaboration entre familles et équipe prend tout son sens lors de moments sensibles : évolution médicale, mise en place de soins palliatifs, questionnement sur la fin de vie.

Présence et participation des familles : quelle place en USLD ?

L’unité de soins longue durée, loin d’être un espace fermé, encourage la présence des proches. Cela contribue au bien-être des résidents, qui restent stimulés sur le plan affectif, et tisse un lien précieux avec les équipes.

  • Horaires de visite élargis : la majorité des USLD pratique des amplitudes d’accueil souples, parfois de 8h à 20h, voire 24h/24 dans des circonstances particulières. Cette flexibilité est essentielle pour préserver le lien familial.
  • Moments de partage : participation possible à certaines animations, fêtes saisonnières ou ateliers thérapeutiques. Prendre un repas, assister à une sortie organisée... ces moments réintroduisent un peu de normalité et d’intimité dans le quotidien souvent rythmé par les soins.
  • Espaces réservés aux familles : certaines unités proposent une salle d’attente confortable, une kitchenette, un espace enfants pour les visites intergénérationnelles.

D’après l’Observatoire National de la Fin de Vie, la présence régulière des familles est associée à une amélioration du moral des résidents, mais aussi à leur sentiment de sécurité et de continuité.

Soutien psychologique et accompagnement émotionnel : un enjeu sous-estimé

Quand un proche entre en soins de longue durée, la famille vit une transition profonde : de l’aide active à un rôle d’accompagnant, parfois spectateur d’une maladie évolutive. La culpabilité de « laisser » son parent, la fatigue, le sentiment d’échec sont courants et doivent être pris au sérieux.

Concrètement, les dispositifs proposés sont :

  • Entretiens avec un psychologue : sur demande ou proposés systématiquement lors de situations difficiles (aggravation, décès imminent, conflits familiaux).
  • Groupes de parole : ils réunissent parents, enfants, conjoints ou proches pour partager expériences, conseils, souffrances. Ces réunions sont animées par un professionnel formé à la médiation. Une étude CHU de Bordeaux 2021 indique que 60% des familles profitent d’au moins une rencontre de ce type durant le séjour du proche.
  • Accompagnement en soins palliatifs : soutien spécifique dès que la fin de vie se rapproche (annonce, préparation, rituels d’adieux). Des référents en soins palliatifs guident les familles sur le plan émotionnel et organisationnel.

Cette dimension psychologique ne doit pas être considérée comme optionnelle : le parcours en unité de soins longue durée est souvent rythmé par des hauts et des bas émotionnels auxquels chacun réagit différemment.

Informer sans submerger : l’accès à une information claire et adaptée

Naviguer entre les informations médicales, administratives et pratiques peut tourner au casse-tête. Les familles réclament des explications simples, sans jargon, et la possibilité de poser des questions, même sur des sujets sensibles.

  • Réunions d’information : plusieurs fois dans l’année, elles abordent la vie de l’établissement, les droits des résidents, mais aussi l’organisation des soins et les évolutions législatives (consentement, directives anticipées, mesures de protection).
  • Compte-rendus médicaux : possibilité de demander des rendez-vous avec le médecin coordonnateur pour faire le point, poser des questions, anticiper les prochaines étapes.
  • Tableau d’affichage, bulletins, newsletters : outils pour garder le lien et s’informer des initiatives en cours.

L’accessibilité de l’information est essentielle. Selon la Haute Autorité de Santé, 47 % des familles disent s’être senties « peu préparées » à l’accompagnement d’un proche en USLD, faute d’informations initiales claires.

Dispositifs d’aide extérieure et réseaux de partage

Les familles en unité de soins longue durée ne sont pas seules. De nombreuses structures externes travaillent en réseau avec les USLD pour renforcer cet accompagnement :

  • Associations de familles : association France Alzheimer, Association Française des Aidants, plateformes locales de soutien aux aidants. Elles offrent écoute, groupes de parole, conseils pratiques, médiation, voire accompagnement au deuil. Le soutien associatif est un recours plébiscité, surtout lors de litiges ou d’évènements graves.
  • Conseils de la vie sociale : ces instances de dialogue mêlant familles, résidents et professionnels, permettent de porter la voix collective, échanger sur les difficultés rencontrées, suggérer des améliorations dans l’accompagnement.
  • Plateformes téléphoniques spécialisées : exemple du numéro national 3977 contre la maltraitance, à la disposition des familles inquiètes.

Ce travail en réseau questionne sans cesse la qualité de l’accueil et favorise la progression des pratiques au bénéfice des résidents et de leurs familles.

Accompagner la fin de vie : entre professionnalisme et humanité

La question de la fin de vie est omniprésente en unité de soins longue durée. L’accompagnement des familles revêt alors des formes particulières : accompagnement spirituel, soutien psychologique intensif, aménagement des visites (horaires élargis, chambre aménagée), rituels d’adieux.

De plus en plus d’USLD développent des partenariats avec des associations de bénévoles d’accompagnement, comme la Fédération Jalmalv, spécialisée dans l’accompagnement du deuil et la réflexion éthique autour de la fin de vie (https://www.jalmalv-federation.fr/).

  • Accès à un espace dédié au recueillement ;
  • Accompagnement lors des temps forts (annonces, veille, décès) ;
  • Médiation en cas de tensions ou de désaccords familiaux sur les soins.

Le défi reste d’allier rigueur des soins, respect des volontés du patient et dignité, tout en restant à l’écoute des familles dans leur diversité.

Vers de nouveaux modèles d’accompagnement familial

Au fil des années, les unités de soins longue durée repensent leur approche. Elles tendent vers plus de personnalisation, de souplesse et de co-construction avec les familles. Plusieurs établissements expérimentent :

  • Comités familles-référents : analyse régulière des retours, co-création de projets (jardin thérapeutique, médiation animale, ateliers souvenirs...)
  • Supports numériques personnalisés : applications mobiles pour suivre le quotidien du proche, coordonner les visites, rester en contact avec l’équipe (ex : le projet Famileo ou Happytal)
  • Sensibilisation au « prendre soin » des proches : ateliers sur le répit, la gestion du stress, la prévention de l’épuisement des aidants.

La diversité des familles impose de dépasser le « tout standardisé ». L’écoute active, la reconnaissance du rôle unique de chaque proche, la flexibilité dans l’organisation sont désormais au centre des démarches innovantes.

Des familles mieux soutenues : une dynamique à renforcer

L'unité de soins longue durée reste un univers à part, parfois déroutant pour les proches. Mais l’évolution des pratiques professionnelles, la prise en compte progressive des besoins émotionnels, l’ouverture aux réseaux associatifs et les efforts pour une information claire dessinent de nouvelles formes d’accompagnement. Mieux informer, écouter activement, inclure la famille dans la vie du lieu, sont les clés pour traverser, ensemble, cette étape particulière du vieillissement.

Ressources complémentaires :

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